Entre réparation acrobatique et merveilles des mers, la vie sur le bateau continue

Mardi 28 janvier –

Aujourd’hui pas de grasse matinée : une mission nous attend. Remplacer la grande voile par une autre conservée par chance dans le voilier. Sortir la voile, la déplier, prendre des mesures, passer les lattes, affaler l’ancienne, la sortir de la baume et enfin la remplacer : la première étape nous  aura pris toute la matinée, c’est réussi. Le plus dur nous attend. Jacques a décidé, malgré nos réticences, de monter en haut du mât pour protéger la nouvelle voile et éviter qu’elle se déchire à son tour. L’entreprise semble risquée. Nous le hissons à bout de force en nous relayant toutes les trois avec la drisse de grand voile. Bientôt, le capitaine de 71 ans, voltige dans les airs, balancé par la houle à plusieurs mètres du pont. Le spectacle est impressionnant. Une mousse s’envole, le rouleau de scotch est vide et la pince est restée à terre. La solution semble simple : lui hisser les outils manquants dans un seau. 

L’acrobate des mers

Je vous passe les détails du seau qui balance, s’emmêle dans les haubans et cordage, de la pince qui manque de tomber sur nous à tout instant et des engueulades de Jacques pris par le mal de mer. Après une tentative qui dure une éternité pour le marin suspendu dans les airs, nous nous rendons à l’évidence : il faut renoncer et le redescendre. Mais impossible de hisser la nouvelle grande voile ainsi, une pièce mal placée va la déchirer. Nous devons recommencer l’opération… La deuxième tentative est un succès. La grande voile est désormais en place et la pièce manquante pour le yankee est récupérée. Jacques m’avoue tout de même qu’à plusieurs reprises, dans son siège sûrement mal ajusté, il s’est senti pas loin de tomber en arrière.. La drame a été évité ! Jacques est épatant pour son âge. Après avoir mis en place nos deux voiles désormais fonctionnelles, nous sommes repartis ! Pour fêter cette victoire, je m’accorde la première douche de la navigation. Le bonheur est à son comble quand je savoure mon dessert banane chocolat devant les dauphins qui passent nous féliciter de notre réussite.

Élise
Kinga

Après quelques jours en mer, je suis amarinée: Désormais habituée aux roulements du bateau, j’ai pris le rythme de l’océan. Les bonnes nuit de sommeil, la houle qui se calme, l’air qui réchauffe rend la navigation chaque jour plus agréable. Rester active est indispensable pour moi en mer. Cuisine, manœuvres de navigation, apprentissage du tarot et du portugais en plus de la lecture et de l’écriture : pas le temps de m’ennuyer. Le mal de mer ayant disparu, nous nous me motivons à cuisiner : houmous, falafels, crêpes, mousse au chocolat et autres plats végétariens font le bonheur de l’équipage. Un bon repas devient si appréciable en navigation !

Mes quarts de nuit redeviennent un plaisir. Ma routine est rodée. Jambe à la barre, en écart facial ou en Y, je découvre des positions géniales pour contempler les étoiles en m’étirant sur le bateau. Mieux encore que le spectacle de la voie lactée, les phytoplanctons bioluminescents ou des étoiles filantes, une nouvelle découverte nocturne s’offre à moi… De larges taches argentées se déplacent dans la mer. Je n’ose pas y croire. Je m’avance précautionneusement sur le pont à l’avant du bateau. Les tâches ont disparu. Le phénomène se reproduit un quart d’heure plus tard. Cette fois je ne rêve pas. Des dauphins phosphorescents qui dansent dans la nuit noire ! Les phytoplanctons illuminent leur contour argenté. Sur leur passage : une trainée de poussière d’étoiles scintillantes ! Je sens les larmes me monter aux yeux tellement c’est beau. Ce moment vaut tout le mal de mer du monde.

L’arrivée à Mindelo pour le coucher de soleil sur l’île de Sao Vicente après 8 jours et demi de navigation

Une réflexion sur “Entre réparation acrobatique et merveilles des mers, la vie sur le bateau continue

  1. Bretaudeau Suzanne dit :

    Je viens juste de prendre connaissance de ton texte avec ts les détails. C’est beau et j ai les larmes aux yeux.Moi aussi, j ai connu l angoisse de voir Jacques en haut du mât dans une mer formée….mais il n’y avait pas d autres solutions….dans ces cas, vigilance,respect des consignes à la lettre, silence et pour moi prière secrète et sincère.
    Que d aventures pour toi, ma belle.

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