Les plantes médicinales, un potentiel de développement communautaire

L’histoire d’une coopérative

En arrivant à Mindelo, des amis français sont surpris de découvrir dans un supermarché un promontoire de tisanes comprenant de nombreuses plantes locales avec les indications de leur usage thérapeutique. Sur chaque étiquette, une photo, le nom de la plante en créole, français, anglais, le nom scientifique, le mode de préparation, mais aussi les usages traditionnels et les études scientifiques réalisées quand elles existent. Je suis soulagée de constater qu’il existe bien une production de tisanes de plantes de Santo Antão et curieuse de découvrir qui se cache derrière ces étiquettes. Le contact : PARES, une coopérative de producteurs de Santo Antão. Mon enquête commence.

PARES, une structure coopérative, est l’unique vendeur de PAM sous forme de tisanes au Cap-Vert. Son objectif : valoriser les ressources locales pour permettre le développement des communautés rurales de Santo Antão. Ainsi, elle commercialise des liqueurs, jus ou confitures produites à Santo Antão, mais aussi une vingtaine d’espèces de plantes locales, sauvages ou cultivées, utilisées traditionnellement en tisane. La coopérative est née d’un projet de développement européen il y a dix ans, le projet Porto Novo rural, porté par l’association locale Atelier mar et l’association française ESSOR. Simon, ingénieur agronome français coordinateur de ce projet, et Arlindo, ancien-producteur de tisane, me racontent la naissance du projet.

« La majorité des plantes à tisane sont des plantes sauvages, qui poussent sans rien faire. Or, notre peuple a toujours utilisé les plantes comme remèdes traditionnels. Il y a eu besoin de valoriser le savoir faire dans les communautés. »

Alcinda, gérante de la coopérative PARES

Relocaliser la production

Alors qu’Arlindo n’arrivait pas à vendre les PAM à une fête locale à Santo Antão, il remarque qu’une herboristerie de Mindelo vend des plantes médicinales transformées et emballées provenant de l’étranger. Je me rappelle ma déception à mon arrivée à Mindelo en découvrant leur origine du Portugal (voir mon premier article sur le Cap Vert). Jusqu’à lors, les plantes de Santo Antão étaient vendues fraîches, en vrac au marché. Le projet Porto Novo rural débute, Simon organise des ateliers participatifs pour faire émerger des idées provenant des habitants avec son association ESSOR. Arlindo propose l’idée de transformer les plantes locales en tisane. Le marché est encore inconnu, mais le pari est lancé. Alors qu’elle ne faisait pas partie du projet initial, la production de tisane sera une des plus grandes réussites du projet Porto Novo rural.

« Tout le monde préfère les produits de sa terre. Évidemment, c’est meilleur. »

Juan Baptista Boavin Tura, producteur de PAM

Une coopérative autonome

Une enquête est lancée pour connaître les usages traditionnels des plantes locales dans la région de Porto Novo. 150 habitants ont suivi une formation théorique et pratique pendant deux ans pour apprendre à cueillir, cultiver et transformer les plantes. Des campagnes de communication sont menées pour développer un marché nouveau. Dix ans plus tard, les fonds européens ont cessé. La coopérative est autonome sans aucune aide publique et la vente de tisane est la deuxième source de bénéfices, après le poivre rouge. Cependant, la production de plantes médicinales n’est pas si facile. Sur les 150 producteurs qui ont été formés à travers ce projet européen, une vingtaine ont poursuivi.

Premier lieu de transformation en tisane abandonné : une grotte creusée à la main, avec un séchoir fabriqué avec les ressources locales

Je rends visite à Juan Baptista Boavin Tura, un des plus grands producteurs. Je m’attends à découvrir des champs de plantes médicinales ou au moins des parcelles cultivées. Il n’en est rien. Un petit jardin avec du romarin et quelques autres plantes médicinales. La plupart des espèces proviennent en fait des vallées, alimentées en eau. D’après lui, le principal frein est le manque d’eau à cause de ces quatre années de sécheresse. La production a chuté ces dernières années, me confirme Alcinda, gérante de PARES. Des espèces de plantes en rupture de stock et d’autres en quantité réduite.


Une ressource à portée de mains

Pour Arlindo, les retombées économiques à l’origine n’étaient pas suffisamment motivantes car les producteurs formés étaient nombreux pour un marché naissant. Pourtant, il est convaincu du potentiel des plantes médicinales pour contribuer à l’autonomie de communautés. Une cinquantaine de plantes utilisées traditionnellement en tisane poussent spontanément sur l’île. Une richesse qu’il suffit de cueillir et de sécher afin d’en faire une source de revenus pour des familles. 

« Ici à Santo Antão, les plantes médicinales ont un grand potentiel. C’est une activité très bénéfique qui pourrait donner des revenus à de nombreuses familles. »

Arlindo, ex-producteur de PAM

Commercialiser des plantes implique aussi de prendre soin de la ressource.

En réalisant la valeur économique de la flore locale, la population a pris conscience de l’importance de protéger cette ressource. Les changements de comportement sont visibles : les habitants coupent les plantes au lieu de les arracher, les chèvres sont surveillées au lieu d’être laissées libres de dévorer toute la végétation. Ainsi, la production et la transformation de plantes médicinales locales apparaissent comme un moyen de préserver tant un patrimoine naturel qu’un patrimoine culturel.

« Nous ne devons pas seulement recueillir ce qu’offre la nature, mais aussi contribuer à la protection des plantes endémiques. »

Alcinda, gérante de la coopérative PARES


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