Mardi 6 janvier

Focalisée sur l’Aloe, j’ai délaissé les autres PAM de Lanzarote, île désertique. En discutant avec des locaux, je réalise qu’il existe en réalité de nombreuses plantes endémiques avec des propriétés médicinales. Évidemment, les PAM sont partout ! Je suis fière d’avoir trouvé des contacts prometteurs pour réaliser mes premières interviews. Je travaille nos grilles d’entretien et je suis prête pour interroger ces acteurs, avec le stress des premières interviews en espagnol. Plus de batterie au moment d’interviewer la vendeuse d’Aloe Vera, le biologiste recommandé est malade, la spécialiste des PAM locales est en vacances, le père soignant ses enfants avec des PAM décommande à la dernière minute…  et enfin le cueilleur de PAM mystique reste caché dans sa maison ! Les déceptions s’enchaînent : pas si simple de réaliser une interview.

Une rencontre inattendue rattrape ces échecs. Ma première interview sera celle d’une artiste et philosophe de Lanzarote. Dans sa maison-galerie, cette fille d’une guérisseuse m’apprend les vertus des plantes endémiques et me livre les anecdotes de ses souvenirs d’enfance. Micro allumé, mise au point sur son visage, plan bien cadré : l’interview semble réussie. Je suis boostée pour mes prochains entretiens ! 

« La medicina occidental a veces te da miedo porque te trata de una cosa y te enferma de otra. […] Antiguamente de donde viene la medicina ? De la hierba.  »

La médecine occidentale est effrayante parfois, parce que lorsqu’elle vous traite d’une chose, elle vous rend malade d’une autre. […] Autrefois, d’où vient la médecine ? Des plantes.

Gloria Luz

J’enchaîne dans ma lancée avec visite de l’usine Lanzaloe, tout juste avant le départ pour la prochaine destination : Gran Canaria. Un chimiste me présente toute la transformation de l’Aloe vera et j’interviewe Ruth, la petite fille du précurseur de l’Aloe à Lanzarote. Je renonce au stop, qui ne fonctionne pas pour la première fois depuis mon arrivée sur l’île et j’arrive juste à temps avant le départ de Suzanne pour Paris. Je me réjouis de naviguer à nouveau et j’ai hâte de rencontrer là-bas le spécialiste des plantes médicinales des Canaries. 

Au moment de quitter Lanzarote, j’appelle la marina de Las Palmas pour les prévenir de notre arrivée. Mauvaise surprise : aucune place de disponible et une liste d’attente de 12 bateaux. La panique. Nous ne pouvons pas rester dans la marina actuelle, le voilier de Jacques nécessite des réparations sérieuses et le matériel était prévu à Las Palmas. Les faire au mouillage sans électricité ? Nous envisageons cette idée irréaliste une seconde. Pas le choix, nous devons rester à Lanzarote au moins une semaine de plus, le temps des réparations. Alors qu’il avait tout d’abord annulé le voyage en découvrant les dégâts il y a deux semaines, Jacques est désormais optimiste. Mais j’ai appris qu’avec les bateaux la certitude n’existe pas. Est-ce que nous trouverons le matériel pour les réparations ? Est-ce que les travaux seront aussi courts que prévus ? Est-ce que je pourrai partir à temps pour le Sénégal avec Ocean Rainbow ? Le suspens reste entier… Moi qui me pensais adaptable, vivre dans l’incertitude n’est pas si facile. 

Un jour au mouillage, c’est comme un jour en mer. La vue sur les volcans n’a rien à voir depuis le bateau. L’ordinateur et le portable sont sans batterie. Le temps passe différemment et la vie est rythmée par le soleil. J’ai accepté l’idée de prolonger le séjour à Lanzarote pour une période indéfinie. Le lendemain matin, nous partons pour Arrecife, une autre marina de l’île. Les quelques heures de navigation sont superbes avec les dauphins qui commencent à devenir habituels. Mes rendez-vous à Gran Canaria sont repoussés mais j’ai déjà trouvé des nouveaux contacts intéressants à Lanzarote. J’espère tout de même que j’arriverai à naviguer jusqu’à mes prochaines destinations dans les temps.