Les savoirs et politiques publiques en matière de science et de santé
L’origine du projet
« L’Artemisia annua. C’est cette plante qui m’a fait réaliser le potentiel sous-estimé et délaissé des plantes médicinales. Alors que j’entre en première année à AgroParisTech, parmi les nombreuses associations étudiantes, un projet attire mon attention en particulier. Le projet MYLAA. Son but ? Diffuser la culture de l’Artemisia annua au Sénégal. Alors que les vaccins contre le paludisme sont inefficaces, les médicaments lourds en effets secondaires et que les résistances se développent, il existerait une plante qui prévient et soigne cette maladie, une des plus grandes pandémies au monde. Trop beau pour être vrai ? Mon esprit rationnel demande des preuves scientifiques. Je me plonge dans les recherches bibliographiques. De nombreuses études cliniques plus tard, malgré la faiblesse des moyens disposés pour leur réalisation, le résultat est clair : l’Artemisia est efficace.
Pourquoi cette plante est-elle si peu connue, alors qu’elle peut soigner une maladie qui tue un enfant toutes les deux minutes ? Pourquoi n’y a-t-il aucune recherche publique sur les vertus de l’Artemisia ? Pourquoi l’OMS déconseille l’utilisation de cette plante ? Pourquoi est-il illégal d’acheter cette plante en France ?
Pourtant, l’intérêt des plantes médicinales dans les pays tropicaux me semble indéniable. Face à l’omniprésence de faux médicaments et la difficulté d’accès aux médicaments conventionnels, la culture locale de Plantes Aromatiques Médicinales (PAM) renforce l’autonomie des populations tout en apportant des sources de revenus supplémentaires. Je découvre alors les enjeux politiques autour des plantes médicinales : les listes de plantes autorisées à la commercialisation en France, le monopole pharmaceutique, la disparition du diplôme national d’herboriste, l’augmentation de la part de financements privés dans le budget de l’OMS, la difficulté pour financer des études scientifiques coûteuses sur l’usage des plantes et même les menaces qui pèsent sur les scientifiques menant des recherches sur l’Artemisia. C’est passionnant et révoltant !
Toutes ces questions ont trouvé des résonances avec mon stage dans l’association Sciences Citoyennes. L’association questionne la place de la science dans la société, pour la mettre au service du bien commun. Le principe de « Sciences non faites », c’est-à-dire des besoins de connaissances qui serviraient l’intérêt général mais qui ne sont pas produits à cause de l’ absence de recherche, m’évoque le manque de recherches scientifiques sur l’usage de l’Artemisia.
Je développe mon esprit critique face à la science qui devient de plus en plus technoscience. Je découvre les nombreux mécanismes qui orientent les choix scientifiques et techniques de notre société, sans aucun débat démocratique ni possibilité de remise en question. Une des grandes revendications de l’association, le croisement des savoirs entre les savoirs scientifiques et d’autres formes de savoirs, me fait penser à la richesse des savoirs traditionnels sur les plantes médicinales, de plus en plus oubliés.
Alors que je souhaite approfondir ces questionnements pendant ma césure et que je réfléchis à poursuivre dans le domaine de l’Artemisia au Sénégal, j’apprends qu’Anne monte un projet sur les plantes médicinales. Nous nous appelons. La préservation de la ressource naturelle et des savoirs traditionnels. L’Europe occidentale et l’Afrique de l’Ouest. Nos approches sont complémentaires. C’est une évidence : nous devons mener un projet ensemble.
Le projet PAMacée est né.
« Notre autonomie en matière de santé, la reconnaissance des savoirs locaux, la place de la science par rapport à l’usage des plantes médicinales et le coût de notre système de santé occidental. Ce sont d’autant d’enjeux qui me semblent essentiels et que je souhaite soulever au travers du projet PAMacée.«
Lola